A la découverte de l’URSS ou le Big Mac polaire

                                                                                   Ca y est, je suis dans l’avion. Avec comme moi, tout un tas de boutonneux de 15 ans. Après de longues hésitations, j’avais décidé de partir en URSS. Nous sommes en 1990. J’apprends le russe depuis 2 ans et demi. Gorbatchev est au pouvoir depuis 5 ans et l’Europe de l’Est vacille. Direction Moscou, capitale de l’URSS. Voyage découverte ou véritable supplice? Par ici pour le récit de cette aventure!

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Qu’est-ce qu’on va trouver là-bas? Et surtout: est-ce qu’on va pouvoir arriver à communiquer sur place? Surtout quand on sera seuls chez nos « corres ». D’ailleurs on ne sait même pas chez qui on va ni où ils habitent. A Moscou, c’est la seule info.

Bienvenue en URSS, à l’aéroport des Jeux Olympiques!

Arrivé à l’aéroport, premier choc. Je ne m’en suis même pas rendu compte de ce choc. Mais suffisamment puissant pour que j’oublie ma valise avant de prendre le bus. J’ai été accueilli avec une fleur. Tiens, curieux ce pays… Par une fille emmitouflée comme pour aller au pôle nord. J’essaie de comprendre ce qui se dit. Pas facile. Je parlais un russe très approximatif à l’époque. Bref, je ne sais pas trop où je suis. J’ai appris bien plus tard que mon aéroport d’arrivée a été construit en 1980… pour les Jeux Olympiques! Quoique vu le nombre de touristes à l’époque, ça suffisait largement…

Champagne tiède, Louis Armstrong et uniforme d’officier

L’arrivée dans la famille a été éprouvante: j’ai dû prendre tous les types de transport en commun qui peuvent exister dans Moscou. A mon accueil, le père de famille dit à sa fille: « Pourquoi tu n’as pas pris le taxi? Nous en avons les moyens. »… Me voilà donc en périphérie de Moscou quand je vois un manteau d’officier de l’armée rouge dans l’entrée. La table est déjà mise (à 16h30) et le « goûter » (salades composées, soupe, viande…) est prêt. A défaut de sortir mon pain au chocolat, j’offre une bouteille de champagne (pas soviétique celui-là) au père de famille. Après avoir salué et remercié la famille de m’accueillir, mon russe hésitant arrive tout de même à conseiller le frigidaire pour la bouteille. Pas la peine, on va le faire « à la russe ». Le père aime déguster « tout de suite » me traduit ma correspondante. Pas très souriante mais très bon niveau de français. Le repas commence donc et en musique. Pendant que la mère de famille commence le premier jour de gavage (sur 15 seulement, sinon vous m’auriez retrouvé en conserve), le père se saisit d’un énorme poste double-cassette. Origine du bien: l’Afghanistan (comme pas mal de produits dans la maison en fait vu les étiquettes). N’empêche que le chanteur n’étant pas afghan mais Louis Armstrong. Je me lance alors sans filet dans une traduction anglais russe de « La vie en rose ». Vous imaginez le résultat. Plus tard, je déballe mes quelques cadeaux. Sur les conseils de la prof de russe, j’avais amené – en plus du champagne – ce qui « manquait » en URSS: savons, collants… Visiblement le supermarché afghan était pas si mal fourni vu le sourire de remerciement.

« Plus vite, plus vite! » ou comment aller au lycée après avoir mangé 500g de raviolis et s’être ébouillanté la langue

En Russie, on sait accueillir. L’école russe qui faisait un échange avec mon lycée nous avait donc concocté un programme « ristretto ». En classe le matin, en visite l’après-midi, en famille le soir. S’ajoute à cela les excursions pour la journée et autres repas et soirées. D’un naturel fainéant, je me réveillais à Paris maximum 30 minutes avant le début du cours avant de rejoindre moitié réveillé mon lycée à 200m de chez moi. A Moscou, changement de rythme. Debout tôt pour se sustenter copieusement (500g de pelmeni, ça vous branche?) avant d’aller affronter le métro. La langue brûlée par le thé russe (bon au goût il parait), je partais donc au pas de charge avec ma correspondante qui me disait sans cesse « Plus vite, plus vite! ». Là encore, changement de décor une fois au lycée: quel niveau! Et dans toutes les matières! C’était vraiment agréable de pouvoir échanger avec les professeurs russes et les autres élèves. Pas de prise de tête à la française. Ni de moqueries d’ados gaulois très sûrs d’eux. Bref, j’étais à l’aise

Vitrines en débandade et saucissons à la sauvette (sur l’Arbat s’il vous plaît!)

Le premier aperçu du pays a été catastrophique. Comment une grande capitale comme Moscou peut-elle être dans cet état (et quand on voit le changement avec aujourd’hui…)? Un rapide coup de fil à ma mère a donné un message assez noir sur la situation. Mais grand luxe, nous mangions le midi à l’époque au restaurant « Budapest ». Plein centre, le top quoi (c’est d’ailleurs là où je me suis fait agressé par un jet de beurre sortant d’une boulette de viande « à la Kiev »). En chemin entre l’école et le resto, nous avions le temps de faire les vitrines… Très belles affiches de photos de boîtes de conserve. A l’intérieur, pas touche! Soit il n’y avait rien à vendre, soit ce qui était à vendre était derrière un comptoir sévèrement gardé par une babushka moustachue au sourire un peu bridé. Une bijouterie exposait même les boîtes de bagues. Boîtes à vendre car il n’y avait plus de bagues depuis longtemps! Mais si vous vouliez vous acheter une petite folie, il fallait passer par le marché noir. La rue de l’Arbat était particulièrement fournie en saucissons, vendus très discrètement: on avançait vers vous avec un sourire et le vendeur entrouvrait le sac en plastique qu’il avait sous le bras.

Jeu de piste: retrouver les monuments du moyen-âge au milieu des délires staliniens et immeubles seventies!

Le programme des visites était complet. Rien n’a été épargné, de la Place Rouge au monastère de (à l’époque) Zagorsk. Des professeurs parlant un français parfait nous accompagnaient, ce qui était vraiment agréable. Je me rappelle encore les marches hautes de la cathédrale Saint Basile sur la place Rouge, d’où une remarque bête mais logique: « C’est pas plutôt Pierre le Grand qui avait fait construire? ». Les lieux et monuments anciens étaient impressionnants. Mais le plus frappant était qu’ils étaient mêlés avec des bâtiments staliniens et des constructions genre centre commercial Maine Montparnasse. Tout cela « écrasait » dans l’espace cet héritage ancien. Sans parler des grandes avenues. Elles donnaient l’impression de vouloir minimiser l’histoire. En tout cas, je ne sais pas qui a fait le plan d’occupation des sols mais j’espère qu’il a été licencié pour faute lourde… mince j’avais oublié que jadis tout le monde était fonctionnaire :-)

Aujourd’hui on sort, on va essayer le sandwich américain!

Un jour la discussion a tourné dans la famille autour du hamburger. Le père était sûr d’en avoir mangé en Allemagne de l’Est (tiens, y’avait des déjà Quicks?). Histoire d’en avoir le cœur net, il nous envoie tous chercher le buterbrod américain. Direction la place Pouchkine (à l’époque la limite de là où allait les touristes en venant de la place Rouge). Une file d’attente digne de Pôle Emploi et de la Sécurité Sociale réunie était déjà là. Bien gardée par la milice afin d’éviter tout débordement. Après 2 heures de queue par -8°C, ça y est! Je ressors avec un Big Mac qui m’avait coûté 10€! Enfin au taux officiel, car si j’avais changé au marché noir, j’en aurai eu pour 50 centimes… Une vraie aventure, Jean-Louis Etienne n’a qu’à bien se tenir.

Bloguer RussieCet article participe à l’événement inter-blogueurs « Bloguer Russie » organisé par le blog « Russie.fr ». Vous trouverez ici la présentation de l’événement pour cette première édition : « Mon premier voyage en Russie » ou « Mon premier voyage en France ».

Je pourrais en parler encore un moment mais ai préféré vous épargner les récits sur le champagne/saucisson à l’opéra ou encore le caviar de contrebande voire la découverte de la vodka à 11h30. Car maintenant c’est à vous! Mes péripéties vous rappellent quelque chose? Votre propre expérience? Vous avez visité Moscou récemment et avez une toute autre expérience? Alors faites en part dans les commentaires!

10 commentaires

  1. […] Walbo.com – A la découverte de l’URSS ou le big mac polaire […]

  2. Tatiana dit :

    Excellent!

  3. L'HELGOUAC'H dit :

    J’adore ! ça me rappelle mon 1er voyage, avant la chute du rideau de fer, voyage organisé car je n’avais pas encore commencé les cours de russe ! mais les repas un peu indigestes j’ai connu ( tout le groupe a eu la tourista, vive l’immodium ! ) , les visites de tous les musées de la guerre, de la paix ( c’est pareil ) , l’achat du caviar au marché noir ( avec les tutaux pour ne pas se faire refiler du faux !: )etc.
    J’ai recommencé en 2001, seule cette fois , avec mes rudiments de russe, bilan : j’ai failli me perdre dans le métro car si la babouska à qui j’ai demandé mon chemin m’a comprise, moi je n’ai rien compris à ses explications débitées à toute allure ! mais ça fait de super souvenirs quand même .

    • L'HELGOUAC'H dit :

      les tuyaux bien sur ! mon doigt a glissé sur le clavier ! et les repas au restau où chacun apporte une fleur et ça finit par faire un bouquet ! et en 2001 le gavage chez les amis ( un jour 4 repas à la suite car pas possible de refuser ! on apprend à faire semblant ! ( poliment )

      • walbox dit :

        au fait, si ton doigt a glissé sur le clavier, ça ne serait pas du au gras de la cuisine russe?
        je t’invite donc à lire une autre article: 50 nuances de gras ! :-)

        http://www.walbo.com/cinquante-nuances-de-gras/

        Ca te rappellera les gavages! :-)

        • L'HELGOUAC'H dit :

          merci pour le conseil ! je vais aller voir ! j’ai testé les soupes avec les boulettes de viande et de crème, les cotelettes, enfin tout ce qu’on peut manger j’ai essayé ! même les hamburgers, c’est rigolo, ce sont les mêmes noms qu’ici mais le goût est adapté à leurs gouts ! j’ai bien aimé d’ailleurs ! en revanche, mauvais souvenir des glaces, il faut dire qu’on était déjà tous malades et le marchand était installé en plein soleil et juste à côté des WC publics …à ce sujet il y aurait bcp à dire, du moins avant la chute du rideau de fer ! très folklo ! ou comment fare salon aux WC car à l’époque pas de porte ! pas non plus besoin de signaler les toilettes, les effluves suffisaient ! bon j’arrête là, ça va être l’heure du déjeuner !

    • walbox dit :

      Bonjour Anne,

      merci pour ton commentaire!
      C’est vrai que ça fait des sacrés souvenirs tout cela!

      Mais que pouvais-tu risquer en te perdant dans le métro?
      De progresser en russe parce que cela était une nécessité absolue de se faire comprendre et comprendre comment sortir! :-)

      • L'HELGOUAC'H dit :

        Je ne risquais rien car j’avais un plan du métro ! mais j’ai voulu faire la petite maline en demandant qq chose pour voir …j’ai vu !!! j’ai remercié poliment, fait celle qui comprenait le début, puis je me suis planquée derrière un piler avec mon plan ! après, je me suis souvenue du bienfait du langage des gestes et du « hum hum !  » qui peut tout vouloir dire ! sans vexer !

  4. Passion Russe dit :

    Bonjour,
    Merci pour cet article!!!Nous en parlerons à nos élèves!
    A bientôt pour des cours de russe à Paris – Passion Russe!

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